Elle tire en talons. Et avec élégance. Aurore Drieux sera officiellement la nouvelle présidente du Tir Métropole Nord Haubourdin (TMNH) le 11 octobre. Les femmes présidentes de stand de tir se comptent sur les doigts d’une main en France. « Je suis responsable de chaque licencié, ce n’est pas rien », explique celle qui est aussi aide-soignante, maman, et formatrice au stand de tir.
Elle se souvient très bien de la première fois où elle a tiré avec une arme, il y a 5 ans, au TMNH. « J’avais beaucoup d’appréhension. Tirer, c’est beaucoup de sensations mais surtout beaucoup de concentration ». D’ailleurs, elle raconte avec émotion l’histoire de cet enfant hyperactif qui a cessé de faire des crises et qui a appris à mieux gérer son stress depuis qu’il s’est mis au tir sportif. « Il a réussi à stabiliser ses émotions », salue Aurore Drieux.
Essayant de rompre avec l’image du cow-boy, du chasseur ou de l’ancien combattant, le tir est un sport en mutation : depuis près de dix ans, la Fédération française de tir (FFTir) connaît une forte augmentation, de 5 % à 6 % par an. Aujourd’hui, la FFTir compte 289 000 licenciés en France, contre 182 000 il y a dix ans.
C’était un milieu très fermé, même un peu nationaliste, parfois un refuge d’anciens combattants.
À Haubourdin, des travaux sont en cours pour ouvrir un nouveau pas de tir de 10 mètres au plomb, avec deux fois cinq cibles, insonorisé pour limiter les nuisances. Le club de 140 ans rajeunit. « C’était un milieu très fermé, même un peu nationaliste, parfois un refuge d’anciens combattants, estime Renald Dumoulin, qui passe la main après dix ans à la tête du club. Quand j’ai repris le club en 2016, j’ai voulu ouvrir à tous les publics, à toutes les catégories sociales, aux femmes. On est passés de 240 membres à 700. » La nouvelle présidente confirme : « On organise des portes ouvertes, des événements familiaux comme Halloween et on brasse toutes les classes sociales : avocats, ouvriers, etc. Il y a 5 ans, c’était encore un monde d’hommes, à peine 30 femmes alors qu’aujourd’hui on est 82. »
C’est un peu comme le yoga. Il faut inspirer, bloquer sa respiration, être concentrée, bien sur ses appuis et puis, c’est un sport qui joue sur l’estime de soi.
Les femmes sont désormais bien visibles sur les pas de tirs. Coline, 27 ans, est venue s’entraîner à la carabine à plombs ce samedi après-midi avec son compagnon, Victor. « J’adore l’ambiance familiale, les formateurs sont très pédagogues et surtout, psychologiquement, ça me permet de relâcher la pression de la semaine », explique la jeune femme venue de Capinghem. « C’est un peu comme le yoga. Il faut inspirer, bloquer sa respiration, être concentrée, bien sur ses appuis et puis, c’est un sport qui joue sur l’estime de soi. »
Apaisant le tir ? « Oui, et loin des clichés, ajoute Coline. Je ne vois pas l’intérêt de mettre des armes à feu dans les mains des gens en dehors de l’aspect sportif et du côté détente. Tout ce qu’on voit aux États-Unis me fait peur. Moi je ne possède pas d’armes, je la loue ici ». La présidente du club comprend qu’entre « les tirs des policiers et les tirs de gangs dans les quartiers, ça crée une terreur autour des armes à feu mais quand on installe les gens sur le pas de tir, ils voient d’eux-mêmes qu’on n’est pas dans cette approche ».
Anceline, 18 ans, va plus loin : « Un monde sans arme serait mieux. » La sportive de haut niveau, adepte de la philosophie, ajoute : « Je serais incapable de tirer sur un animal par exemple. Le tir, ça apprend à mieux nous connaître. C’est 1 h 30 avec soi, un vrai moment d’introspection, juste avec son mental. » À 18 ans, cette étudiante au CREPS de Wattignies qui a remporté une nouvelle médaille d’or, à LAPUA IWK de Berlin en avril, espère changer l’image des tireurs : « On est vus comme des cow-boys mais ce n’est pas ça ! Par exemple, on n’a pas le droit de venir au stand en treillis. »
Denis, entraîneur à l’école de tir d’Haubourdin, auprès des plus jeunes, explique : « Les jeunes apprennent à se canaliser, à gérer leur stress, à se concentrer et stabiliser leurs corps. Et puis, il faut de la musculation pour rester 1 h 15 dans la même position ». Lise, 17 ans, a délaissé la danse et l’équitation : « Je me sens plus confiante avec le tir, c’est un sport qui demande de la concentration. »
À Haubourdin, sur 700 adhérents, elles sont désormais 82 femmes, contre une trentaine il y a 5 ans. Et ce n’est pas pour se défendre, mais bien pour vider le contenu de leur charge mentale, que la majorité d’entre elles prennent leur licence annuelle à 250 euros. « On a offert une carte-cadeau à la mère de Victor pour son anniversaire, confie Coline. Elle a adoré ! »