Moins de bruit et plus d’inclusivité : le club de tir d’Haubourdin à l’assaut de grands défis

Ouvrir ses activités au plus grand nombre, en particulier aux femmes, aux enfants et aux personnes handicapées, tout en réduisant ses nuisances sonores, voilà l’équation que tente de résoudre le club de tir d’Haubourdin, fort de 625 adhérents.

Le club dispose de 10 pas de tir à 10 mètres, 10 pas de tir à 25 mètres, 10 pas de tir à 50 mètres et 50 postes de tir sur cibles électroniques.

1. Une très très longue histoire

Une très très longue histoire
Bernard Dupont et Renald Dumoulin, respectivement trésorier et président du club de tir.

Quand le club de tir d’Haubourdin a vu le jour, Victor Hugo était encore vivant, c’est dire s’il vient de loin. Sa création remonte à 1883 et il s’appelait alors Les Carabiniers Haubourdinois. L’initiative revient au directeur de l’école communale et du pensionnat de garçons de l’époque, Victor Loridan, qui souhaitait former ses élèves au maniement des armes. C’est à lui qu’on doit aussi les jardins ouvriers haubourdinois, ce qui lui a valu de donner son nom à une rue.

Par la suite, le club de tir est devenu une section du Club de gymnastique haubourdinois sans qu’on sache bien pourquoi, mais il a fini par reprendre son indépendance en 1999. Depuis, il s’appelle Tir Métropole Nord Haubourdin (TMNH). « Cela fait plus de 140 ans qu’il existe, le club fait partie de la culture d’Haubourdin. C’est aussi le plus gros club de la ville avec 625 adhérents », souligne le président Renald Dumoulin, comme pour faire taire ceux qu’il dérangerait. Dans la région, seul le club de Bully-les-Mines et ses 800 adhérents font mieux. Et puis, il y a le palmarès : « On a formé plusieurs champions du monde », souligne le président, citant Michael Dhalluin et Franck Dumoulin, aussi détenteur d’une médaille d’or aux JO de Sydney en 2000.

2. 200 000 euros pour réduire le bruit

200 000 euros pour réduire le bruit
Démarrés au printemps, les travaux du stand de tir à 25 mètres vont reprendre en septembre. L’investissement devrait sensiblement réduire les nuisances sonores.

Plomb, 9 mm, 22 long rifle, 357 Magnum, fusils d’assaut, fusils à pompe… On tire avec tout ce qui existe sur le marché à Haubourdin. Et plus le calibre est gros, plus ça fait de bruit. Or, le stand de tir d’Haubourdin n’est pas perdu au milieu des champs. « Jusqu’en 1972, le club était à la gare, explique Renald Dumoulin. On a déménagé ici (au complexe sportif) à cause du bruit car il n’y avait personne à l’époque. » Avec le temps, les immeubles ont poussé et les réclamations se sont multipliées. Il faut dire qu’avec 10 pas de tir à 10 mètres, 10 pas de tir à 25 mètres et 10 pas de tir à 50 mètres (plus 50 postes de tir sur cibles électroniques), les voisins ont de quoi râler. Et cela ne va pas aller en s’améliorant puisque les anciennes écoles Crapet et Salengro, toutes proches, sont en cours de démolition pour laisser place à 35 appartements. Un tunnel de tir phonique a déjà été installé il y a deux ans pour les plus gros calibres (36 000 euros financés par le club), mais la mairie et le club ont décidé d’investir bien plus encore pour réduire les nuisances du stand de tir à 25 mètres et améliorer la sécurité. Il va être équipé d’un nouveau mur d’enceinte, d’un mur à balles en acier pour arrêter les projectiles et surtout d’un toit. Coût pour la ville : 130 000 euros, auxquels s’ajouteront 70 000 investis par le club pour les équipements.

3. « Comme une PME »

Pour s’assurer des revenus, le club vend notamment des munitions à ses adhérents, comme ici du 357 Magnum.

Avec plus de 600 adhérents et un budget annuel de 280 000 euros, le club de tir d’Haubourdin est « comme une PME ». C’est Bernard Dupont, trésorier de l’association depuis 13 ans, qui le dit. À la différence près qu’ici tout le monde est bénévole, y compris la dizaine de formateurs, le permanent responsable de l’armurerie et Bernard Dupont lui-même, qui consacre pourtant « deux semaines de travail » par mois au club. Un club qui, en plus de ses activités habituelles, accueille des séminaires, des enterrements de vie de garçon ou de jeune fille et propose des cartes-cadeaux et du team building. Ça ajoute du boulot, mais le résultat en vaut la chandelle : « Jamais personne n’est venu et n’a été déçu. La preuve, on a une note de 4,8 sur Google pour 267 avis. »

4. S’ouvrir aux femmes et aux enfants

S’ouvrir aux femmes et aux enfants
S’ouvrir aux femmes et aux enfants

Le tir sportif, un truc de mec ? Pas faux, mais la discipline attire de plus en plus les femmes. Le dépassement de soi et la concentration font mouche auprès de la gent féminine. On compte environ 11 % de femmes dans les clubs de tir à l’échelle nationale, et Haubourdin est dans la moyenne avec une soixantaine de féminines dans ses rangs. Mais l’évolution est récente, comme l’explique Renald Dumoulin, le président : « L’an passé, on a doublé l’effectif féminin, notamment en faisant beaucoup de communication sur les réseaux. Les femmes viennent maintenant en couple ou en famille. » Parmi elles, Linh, 23 ans, épate les hommes par son talent. Un peu trop timide cependant pour répondre à nos questions, elle laisse le soin à Alain Fournier, un ancien instituteur de 78 ans, d’expliquer les vertus du tir sportif : « Cela permet de se connaître soi-même. Il faut essayer de rester dans la même position, comme au yoga. Le premier adversaire à battre, c’est soi-même. »

Les enfants aussi sont de plus en plus nombreux à pratiquer le tir, souvent en famille. À l’image d’Agathe, 9 ans, à peine deux ans de pratique et déjà une dixième place aux championnats de France pour sa première participation. Le TMNH a développé une école de tir pour les 7-17 ans, avec 50 postes de tir à 10 mètres équipés de cibles électroniques. Cet été, le club a en outre offert des licences à des enfants qui ne pouvaient pas partir en vacances. Et, pour « effacer les inégalités sociales », le club prête du matériel et finance les déplacements des compétiteurs.

5. Accueillir vraiment tout le monde (ou presque)

Accueillir vraiment tout le monde (ou presque)
Accueillir vraiment tout le monde (ou presque)

« Ici, on accueille tout le monde, toutes les ethnies, tous les milieux sociaux, il est très important pour nous d’être ouvert. » Le président Renald Dumoulin a fait de la mixité un credo. Quand il a repris le club en 2016, le TMNH était, dit-il, « replié sur lui-même », avec deux fois moins d’adhérents. Cette ouverture passe aussi par l’accueil des personnes en situation de handicap. « On a installé une table spéciale au tir à 50 mètres pour les personnes en chaise roulante, et depuis quelques mois on travaille aussi sur l’autisme. » Une volonté qui fait suite à une rencontre : « L’an passé, un papa est arrivé avec son fils autiste de 30 ans, Bruno. Aucun sport ne voulait de lui. On a fait un essai, ça s’est très bien passé. Le problème, c’est qu’aucun médecin n’a voulu lui délivrer de certificat médical, par méconnaissance du tir sportif, alors j’ai pris sur moi la responsabilité de l’accueillir et tout le monde est ravi. » Finalement, seules les personnes contre-indiquées formellement ou inscrites au FINIADA (fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes) ne peuvent pratiquer le tir. « Toute personne qui arrive au club, même pour un essai, est passée au fichier », prévient le président.

6. Un site sensible, très sécurisé

L’armurerie du club de tir dispose d’un grand nombre de coffres-forts pour compliquer la tâche d’éventuels braqueurs. On ne nous a pas autorisés à photographier l’intérieur des coffres par mesure de sécurité.

S’il fallait ne retenir qu’une seule règle au club de tir, ce serait la sécurité. « Au moindre doute, on arrête », expliquent le président et le trésorier. Pas question de risquer l’accident, surtout vu le matériel qu’on utilise ici. Le club possède le droit de détenir 100 armes de catégorie B (la catégorie A correspondant aux armes de guerre), mais il n’en possède qu’une soixantaine à ce jour. Des joujous qu’il convient de laisser sous bonne garde. C’est pourquoi le site est sécurisé, notamment par un système de vidéosurveillance, et l’armurerie dispose d’un grand nombre de coffres-forts pour ralentir au maximum les individus qui tenteraient de s’en prendre à l’arsenal.

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